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Yves Juhel (1969-2003), peintre - Page 52

  • L'œuvre de la semaine (96)

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    N° d'inv. 320. Prix : nous contacter. Photo : Pierre Juhel

     

    1999 est l'année d'une première série de bouquets peints à l'huile par Yves Juhel, essentiellement sur des toiles de grand format, dont il existe, à notre connaissance, une douzaine d'exemplaires. Les œuvres numérotées 3, 187 et 302, mais aussi 322 (dans une variante ronde), appartiennent à cette belle série. Une série de natures mortes qui pourrait paraître académique, tant par le sujet que par la rigueur de la représentation du pot, toujours très géométrique, et des fleurs. Pourtant, dans leur réalisation, ces toiles ne manquent pas d'originalité, d'inventivité.

    Ici, certaines caractéristiques de cette série atteignent presque leur paroxysme. C'est le cas notamment de cette transparence, qui apparaît dans les autres toiles et qui faisaient toute la singularité des Ailes d'anges (N° 187). Une transparence quasi absolue, accentuée dans cette toile par ces dégradés de gris presque bleutés, et ces fleurs aux contours évoqués non pas par le trait, mais par l'absence de trait, un contour en creux, d'une pâleur similaire à celle du fond. Seules quelques feuilles semblent émerger de cette brume, ainsi que le pot, bien sûr, élément structurant reposant sur une surface plane, à peine esquissée. 

    Visuellement, la reproduction de cette toile fantomatique semble magique. Mais rien de comparable avec la magie que dégage l'œuvre réelle, accentuée par ses dimensions de taille humaine, monumentale (195x130). Au recto, l'artiste a gravé dans la peinture son nom et une année, 1999. Au dos, sur la toile, il a également apposé sa signature, et inscrit une date plus précise : avril 1999.

    Olivier Desveaux

  • L'œuvre de la semaine (95)

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    N° d'inv. 360. Prix : nous contacter. Photo : O. D.

     

    Les chevaux et, d'une manière plus générale, les équidés, sont très présents dans le bestiaire d'Yves Juhel. En voici encore un exemplaire. Une huile sur toile, de dimension moyenne (100x73), peinte en septembre 2001. Toujours cette fameuse période particulièrement riche, puisque pour le seul été de cette année-là (de juin à septembre), près de 150 œuvres (sur les presque 700 répertoriées), pour la plupart animalières, ont été jusqu'à présent recensées.

    Trois dates figurent au dos de cette toile (mais pas de signature) : les 14, 18 et 22 septembre. En cette année 2001, Yves Juhel mettra un terme à sa production justement ce 22 septembre, date apparaissant  sur cinq toiles. Par la suite, il faudra attendre juillet 2002 pour retrouver des œuvres datées.

    Dans sa composition, cette toile s'inscrit bien dans une série, puisqu'entre le 17 et le 22 septembre 2001, Yves Juhel a peint une dizaine de tableaux représentant uniquement des têtes d'animaux, à l'image de certains déjà présentés sur ce blog, (N° 42, 55 et 300).

    O. D.

  • L'œuvre de la semaine (94)

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    N° d'inv. 672. Prix : nous contacter. Photo : O. D.

     

    En écho à l'exposition consacrée aux autoportraits du Musée d'Orsay, présentée jusqu'au 2 octobre au musée des Beaux-Arts de Quimper, et que je viens de voir, voici le seul autoportrait clairement identifié d'Yves Juhel.

    Cette œuvre a été peinte à la gouache sur papier (65x50) les 17, 24, 25 et 26 août 2002, en Corse, alors qu'Yves avait fait de sa maison de Moïta son port d'attache. S'est-il représenté à partir d'une photo ? En se regardant dans un miroir ? De mémoire ? Impossible à dire. Il n'en reste pas moins que l'expression est neutre, le regard voilé par les reflets sur les verres de ses lunettes. Mais pas de doute, c'est bien lui...

    Etonnante gouache, qui apparaît comme une parenthèse dans l'œuvre de l'artiste. Il l'a commencée alors même qu'il poursuivait sa série de "portraits" de vaches (N° 172, par exemple) et de chèvres (N° 384), et son achèvement, fin août, met un terme à sa "campagne" de création de cette année 2002.

    Comme une pirouette à cet autoportrait : Yves ne l'a pas signé...

    O. D.

  • Petite biographie

     

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                                  Yves Juhel à l'Artsenal en 2000 ou 2001 (1er rang, 2e en partant de la gauche). Photo DR

     

     

    J'ai écrit la petite biographie ci-dessous début 2013, à l'occasion de l'exposition montée au domaine de Kerbernez, à Plomelin (29).

     

    18 août 2003. Yves Juhel s'éteint, à l'hôpital de Bastia. Quelques jours plus tôt, il a chuté lourdement de vélo, sur une petite route, à quelques kilomètres de Moïta, village de Haute-Corse auquel il était très attaché. Il n'a que 34 ans, et laisse un vide immense chez tous ceux qui l'ont connu. Il laisse aussi près de 600 tableaux. Déjà une œuvre...

     

    Autodidacte, libertaire, attaché à son indépendance, droit et exigeant, Yves Juhel se voue à la peinture vers la fin des années 80. En 1988, il se distingue en proposant deux tableaux d'une beauté sombre, lors d'un salon consacré à des artistes locaux, à Bondy, en Seine-Saint-Denis, où il vit. C'est sa première exposition. Entre marines, natures mortes et autres portraits de peintres amateurs, l'enfant africain mort dans les bras de son père stupéfie la sensibilité du visiteur.

     

    Ses premiers tableaux, dont il reste très peu d'exemplaires, expriment noirceur et profondeur. L'exigence guide déjà son travail. Il détruit, brûle, racle ses toiles, repeint par-dessus ses œuvres. Les couches s'accumulent. La toile est chère. La peinture, le bois pour les châssis, aussi... 

     

    Yves Juhel est un peintre solitaire. Pendant des années, il travaille dans la maison familiale. "Je me souviens bien que ses premières compositions n'attiraient pas que des remarques laudatrices", raconte son frère, Pierre. "En fait, certaines de ces toiles, "expressionnistes", étaient à mon avis déjà réussies, mais un peu "hard" pour trouver un public".

     

    Le milieu des années 90 marque un grand tournant, dans sa vie de peintre. En 1994, il intègre un squat artistique, à Paris. L'initiateur de ce lieu de travail collectif,  le peintre et sculpteur René Strubel, va lui faire rencontrer de nombreux créateurs. "Ce squat n'avait d'autre ambition que de donner la possibilité à quelques artistes d'exercer leur art", se souvient le sculpteur Bruno Supervil, qui lui aussi est de l'aventure, et qui va se lier d'une fidèle amitié avec Yves Juhel.

     

    Le jeune peintre ne vit pas de son œuvre. A partir de 1996, pour tenir, il exerce le métier de marchand d'art, et se spécialise dans les bronzes animaliers du XIXe siècle. Parallèlement, il parvient à exposer certaines de ses toiles lors de divers événements. Mais cette recherche de reconnaissance, de visibilité, prend du temps, de l'énergie, et peine à porter ses fruits.

     

    Fin 1998, il rejoint les ateliers collectifs Artsenal-Sonamou, à Issy-les-Moulineaux, aux portes de Paris. Créée en 1991 par des artistes coréens, l'association Sonamou loue au ministère de la Défense un ancien arsenal, où elle a installé 46 ateliers d'artistes. Lieu et association sont autogérés. Travail, solidarité, rencontres... L'Artsenal donne à Yves Juhel la possibilité de s'exprimer pleinement, en grand format. Il y retrouve Bruno Supervil, partage beaucoup avec un autre sculpteur, Philippe Desloubières. La période est riche, pour lui. Il est toujours très exigeant. "Il était assez critique envers les autres artistes pour l'être envers lui-même", se rappelle Bruno Supervil. C'est là que naissent ses grandes séries, ses bouquets, ses paysages, ses premières thématiques animalières, nourries au contact des bronzes qu'il côtoie quotidiennement. Son spectaculaire "Grand cerf", exposé aujourd'hui à Kerbernez, voit le jour à l'Artsenal, notamment. Au fil des années, son œuvre prend corps. Sa peinture devient plus spontanée, plus instinctive. Se voulant un peintre "dans la tradition", "s'inspirant des anciens", comme il l'écrit lui-même, il travaille dans le mouvement. Il peut peindre énormément sur une courte période de quelques jours, de quelques semaines. Un rythme d'une extrême intensité, alternant avec des périodes plus calmes, du moins en apparence. Parfois en quête d'une nouvelle inspiration, de nouveaux thèmes à habiter. Parfois aussi pour des raisons plus matérielles.

     

    A l'automne 2000, la plupart des artistes doivent quitter l'Artsenal, voué à la démolition. La maison familiale de Bondy étant vendue, il peint un peu dans son appartement, trop petit. Lui, le peintre du mouvement, du grand format, manque d'espace. Il délaisse l'huile, s'empare de l'aquarelle, de la gouache, réduit les dimensions de ses tableaux, et cherche un local. Prêt à quitter la capitale, il prospecte un peu partout. "Je me rappelle qu'il s'interrogeait sur où et comment trouver un atelier sur Paris et que, devant l'écueil financier, il avait décidé de transformer une des pièces de l'appartement de Moïta en atelier", note son frère. Moïta, c'est ce village de la Castagniccia, perdu dans la montagne. Celui de sa famille maternelle. S'il consacre encore une part de son temps à son activité commerciale, Yves Juhel se réfugie aux beaux jours en Corse. Il est là-bas chez lui, et reconnu comme tel. Il donne des coups de main aux uns et aux autres, joue à la pétanque avec les anciens, se balade beaucoup. Et surtout, il peint. Des animaux, encore et toujours. Cochons, chèvres, moutons, vaches, ânes, souris... Toute cette faune qu'il côtoie y passe. Il se lance également dans le portrait, et dans l'autoportrait. Deux ou trois années d'équilibre trouvé, entre Paris et Moïta. Avant l'accident...

     

    Yves Juhel est enterré là-bas, face à ces montagnes qu'il aimait tant, au plus près de ces gens qui l'avaient accueilli comme un des leurs. En écho à l'un de ses tableaux, sa tombe porte un bouquet, inscrit dans la pierre blanche par un de ses amis tailleur de pierre. L'atelier de Moïta est vide. Après son accident, en cet été 2003, on y a retrouvé ses dernières œuvres, ainsi que des fonds d'aquarelle. On ne saura jamais ce qu'il avait encore à dire. On ne saura jamais ce qu'il avait encore à nous offrir.

     

     

    Olivier Desveaux

    A Quimper, les 4 et 22 février 2013

    (Quelques corrections apportées en 2014 et 2016)

     

  • L'œuvre de la semaine (93)

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    N° d'inv. 362. Prix : nous contacter. Photo : Pierre Juhel.

     

    L'essentiel des œuvres datant de l'année 1990 et qui n'ont pas été détruites par Yves Juhel porte sur un seul et unique thème : une vingtaine de tableaux et dessins constituent une série "sociale", où des personnages souvent grossiers, dépeints dans la rue, dans des bistrots, dans des intérieurs dépouillés, traînent leur solitude, leur misère, leur ivresse, leur souffrance.

    Trois de ces œuvres ont déjà été présentées ici (N° 462, 463 et 464). Si le couple ci-dessus peut paraître plus ambigu quant à la situation de "misère" qu'il traverse, tout, dans le choix des couleurs, dans l'univers où les deux personnages évoluent, dans leur posture voûtée, les mains jointes sur le devant, les corps collés, mais aussi dans ces visages de terre et de glaise, renvoie à la noirceur qui habitait l'œuvre de l'artiste à cette époque.

    Comme les autres toiles peintes en 1990, une seule mention, au recto : Y. Juhel 90. Pour rappel, il s'agit-là des œuvres les plus anciennes jusqu'ici inventoriées (Qui sait ? Peut-être en existe-t-il d'antérieures, dans des collections privées...). Le format de ce tableau est carré (100x100). Il a été exposé en juillet dernier à Paris, à la galerie Martine Moisan. 

    O. D.

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    Expo. Galerie M. Moisan. Juillet 2016. Photo O. D.